Lionel Lévy : interview d’un des Chefs emblématiques de la cité phocéenne

21 juillet 2022

Longtemps à Une Table au Sud, Lionel Lévy est aujourd’hui toujours sur le Vieux Port, puisqu’il est Chef de l’InterContinental Marseille, Hôtel-Dieu de la cité phocéenne. À travers sa cuisine, il œuvre pour mettre en avant la Méditerranée et place depuis toujours la transmission au centre de son travail.

L’occasion de discuter avec lui de ses voyages, de ses passions, et du parcours passionnant de ce talentueux Toulousain adopté par Marseille. 

lionel-levy-sensei

Bonjour Lionel ! Peux-tu nous raconter en quelques mots ton parcours professionnel ? 

Mon parcours a débuté de manière assez classique, à l’école hôtelière de Toulouse, avec un BEP Restauration-Cuisine, puis un BTH, et enfin un BTS.

Plus que mes études, ce qui a réellement fait la différence dans mon parcours, c’est que j’ai eu la chance de rencontrer mon mentor, mon père spirituel, mon Sensei, Gérard Garrigues à Toulouse, au restaurant le Pastel

Je lui dois mon degré d’exigence, ma rigueur, mon expérience à Paris, et même mon installation à Marseille à Une Table au Sud. C’est vraiment sa rencontre qui a été un déclic dans ma vie, et qui m’a permis d’avoir mon parcours. 

Arrivé à Marseille à 26 ans, j’ai eu un coup de cœur pour cette ville. Je suis donc devenu le chef propriétaire d’Une Table au Sud pendant 13 ans, jusqu’en fin 2012, où je suis devenu le chef du prestigieux InterContinental, ancien Hôtel Dieu, toujours à Marseille. Depuis, je dynamise chaque jour la cuisine de ce restaurant, en étant attaché à la culture méditerranéenne. 

intercontinental-marseille-sensei

L’InterContinental, à Marseille.

Maintenant à la tête des cuisines de l’InterContinental à Marseille, de quoi t’inspires-tu tous les jours pour ta cuisine ?

Je puise mon inspiration, quotidiennement, selon différents facteurs. Tout d’abord, évidemment, les saisons sont l’élément le plus important pour produire une cuisine de qualité.

Je cuisine en fonction des fruits et légumes de saison, et la qualité d’un cuisinier et de savoir adapter sa cuisine en permanence. De plus, je discute très régulièrement avec mes fournisseurs paysans et éleveurs pour construire au gré des jours des recettes collant parfaitement à la pêche locale, à la maturité des fruits et légumes, et à l’élevage des volailles ou bovins. 

J’aime énormément cuisiner le poisson, et les fruits de mer plus généralement. 

Tu as beaucoup voyagé, que t’ont apporté ces voyages culinairement ? 

Je pense que la cuisine doit être faite de découvertes, et d’une curiosité continue, j’ai la fervente conviction que nous, Français, n’avons rien inventé, et que bien des peuples utilisent nos méthodes de cuisine. 

Dans les pays méditerranéens notamment, le geste de la main ainsi que le travail des femmes en cuisine, emplis d’amour, de sagesse et de transmission m’ont beaucoup marqué. 

Dans tous les pays, et surtout en Méditerranée, la femme est le puit de savoir, et elle transmet des valeurs culturelles fondamentales, notamment en cuisine. C’est une donnée qu’il ne faut pas oublier, et ces cultures m’ont énormément appris, et m’ont transmis cet amour de la cuisine méditerranéenne. 

Tu es un ardent défenseur du terroir méditerranéen et as co-fondé l’association Gourméditerranée. Que penses-tu du développement créatif et gastronomique de Marseille ? 

Enfin Marseille est à sa juste place. Il y a plus de 10 ans, nous étions tous engoncés dans notre sentiment  d’infériorité et nous nous disions que nous n’étions pas légitimes pour des raisons culturelles (une pizza et un verre de rosé était le cliché de notre région).

Comme les vignerons qui jusqu’aujourd’hui ont fait un travail exceptionnel pour faire évoluer leur vignes et produire des vins ayant à renommée internationale, , les chefs de la région se sont recentrés sur le terroir et se sont lâchés sur cette lancée. Ensemble, nous produisons un formidable travail pour mettre en valeur la région que nous aimons tous. Je pense que nous, chefs de la région, avons recréé un nouveau style culinaire, qui influence aujourd’hui le pays, et qui donne une nouvelle dimension à sa cuisine.

J’ai eu la chance d’en être un des premiers de ces chefs en 1999, et puis après à travers Gourméditerranée que nous avons créée en 2012, plusieurs chefs nous ont rejoints sur cette lignée.

Quels sont les 3 conseils que tu donnerais à un entrepreneur souhaitant créer son restaurant aujourd’hui ? 

Aujourd’hui, les valeurs traditionnelles n’ont jamais autant été de mise pour créer un restaurant. Si je devais donner trois conseils, ce seraient plutôt des valeurs qui font que votre restaurant réussira. Les voilà : 

  • Travail : en restauration, il faut travailler de manière régulière et ne jamais se décourager après les échecs. Dans ce domaine, le travail ne paye pas sur le court-terme, c’est un domaine long-termiste qui est valorisé par le travail.

  • Rigueur : dans ce secteur, il faut savoir se fier à ses valeurs de base avec rigueur. Si, comme vos clients l’apprécient, un plat contient tel ou tel légume, ne changez pas et continuez à produire avec rigueur.

  • Être soi-même : les concepts qui fonctionnent aujourd’hui sont les concepts les plus « honnêtes« . Il faut savoir rester fidèle à sa ligne de conduite, sans jamais déroger à ses valeurs les plus fondamentales. Toujours avoir en tête son business plan originel.  

Quelle importance a la transmission dans ton métier ?

La transmission est pour moi la chose la plus importante. Comme je l’ai dit, j’ai beaucoup appris avec mes voyages, ou avec mon mentor Gérard Garrigues. Sans ce savoir et ces méthodes qui m’ont été transmis, je n’en serais jamais là aujourd’hui. 

Comme j’ai pu le vivre, c’est aujourd’hui un plaisir incommensurable de voir nos collaborateurs évoluer et réussir grâce à son savoir. 

Et je suis assez fier d’avoir formé quelques chefs qui, aujourd’hui, sont reconnus par les guides ou devenus des fers de lance de la gastronomie marseillaise, et qui continueront d’évoluer sur mes pas !