Interview : les conseils de Jean-François Casanova pour ouvrir son restaurant

Les conseils d’un entrepreneur expérimenté sont certainement l’apport le plus précieux qu’on peut avoir dans son projet de création d’entreprise.
C’est pour cette raison qu’au-delà de vous permettre de trouver un entrepreneur pour vous accompagner dans votre projet, nous avons à coeur de régulièrement mettre en avant des profils inspirants de l’hôtellerie-restauration.
C’est le cas de notre rencontre du jour puisque nous avons le plaisir de discuter avec Jean-François Casanova, CEO de D.ream International, ayant notamment passé 15 ans auprès du chef Alain Ducasse.
Avec plus d’une vingtaine de restaurants qu’il a contribué à ouvrir, ses conseils s’avèrent plus que précieux !
J’ai un parcours atypique pour la restauration: une École de Commerce, un DESS à l’IAE (Institut d’Administration des Entreprises).
Recruté par mes directeurs du DESS pour faire du consulting pour Accor, j’ai travaillé notamment pour Sofitel à Marseille et Paris. Puis direction les Etats-Unis pour Méridien où je suis resté 7 ans. J’ai alors fait tous les postes de la restauration (room-service, bar, banquets, responsable stewarding, restaurant) jusqu’à devenir Directeur de la restauration à 29 ans.
Après le 11 septembre, retour en France au Plaza-Athénée, comme Adjoint au Sous-Directeur en charge de la restauration. Deux ans au Plaza-Athénée où l’aventure avec Alain Ducasse a commencé.
Ensuite, engagé comme bras droit d’Alain Ducasse pendant 2 ans, puis Directeur des Opérations, j’ai monté le pôle restauration et travaillé avec une équipe incroyable pendant 13 ans aux côtés d’Alain Ducasse et Laurent Plantier, son associé.
Après 13 ans, départ fin 2016 sur Londres comme COO and Director of Assets du groupe Dogus pour la restauration, puis CEO de D.ream International, un portefeuille unique de marques internationales lifestyle haut de gamme (Zuma, Roka, Coya, Nusret, Amazonico entre autres). Nous avons aujourd’hui 70 restaurants dans le monde et faisons 700 M$ de CA.
J’ai commencé aux Etats-Unis avec Méridien, puis avec Alain Ducasse, nous avons ouvert en équipe un grand nombre de restaurants dans plusieurs pays (Mix New-York, Mix Las Vegas, Benoit New-York, Adour New-York, Washington, Mix Puerto Rico, Mix St Petersbourg, Alain Ducasse Londres, L’Hôtel Andana en Toscane, et d’autres unités à Paris, dans le Sud et en Asie).
J’étais principalement concentré sur les USA, l’Italie, la France, la Russie… Et la répartition des régions avec les équipes s’est faite en fonction des expériences de chacun et de leur capacité à s’adapter aux cultures.
C’était à chaque fois une expérience humaine incroyable et tellement difficile. Le choc de culture constant, les marchés et les clients avec des attentes différentes et les employés pas forcément rompus à la même exigence que celle demandée par Alain Ducasse.
Depuis maintenant plus de 5 ans, j’ai eu la chance d’ouvrir des restaurants extraordinaires : Coya Monaco, Coya Paris, Coya Mykonos, Coya Riyadh, Amazonico Londres, Amazonico Dubai, Nusret Miami, Bar des Pres Londres et d’autres établissements qui sont des marques et unités incroyables par leur taille, et l’expérience que nous donnons. Nous avons en équipe contribué à développer ces marques de manière efficace et avec une croissance forte et des résultats probants.
Le secret : nous avons des équipes expertes dans chaque filiale et dans chaque marque qui ont non seulement une forte expérience mais qui portent l’ADN de chaque marque et la transmettent.
Nous avons un Music Director, un directeur de projet, un Chef exécutif, un directeur des opérations, un beverage-mixologist, un Wine Director, communication-Social media dans chaque filiale. Cette organisation-apprise au sein du Groupe Alain Ducasse a un coût mais porte ses fruits.
Il y a plusieurs étapes qui sont vitales. La première étant l’identification d’un marché, d’un site, de sa compatibilité avec nos standards et notre fonctionnement, mais aussi le contrôle du risque encouru. Cette étape d’identification de site, de compatibilité, et de négociation du bail garantit déjà une limitation du risque si celle-ci est bien faite. Il faut beaucoup d’expérience et de connaissance pour le faire. Contrairement bien souvent aux apparences. Les pièges sont multiples et les spécificités de chaque marche encore plus. Il faut connaitre les marchés et les KPI (Key Performance Indicators) par cœur, et il faut savoir si un site va être rentable et tout prendre en compte : passage, attractivité, voisinage, proximité avec les hôtels de luxe, le retail de luxe, la perception d’une rue peut être mauvaise d’une rue à l’autre !
“The battle is won before it is fought !”
Cette étape est cruciale. C’est tellement difficile d’ouvrir à l’étranger. Beaucoup s’y essaient, peu y parviennent avec succès.
Ensuite se pose à nous tout le suivi de projet, de construction, de timing, de budget, qui est aussi importante pour que le résultat soit celui attendu dans un timing efficace. Le loyer court après quelques mois ou le bailleur a consenti le temps de construction sans loyer. Il faut donc être dans les temps.
En parallèle et ensuite vient l’exécution opérationnelle : le recrutement des « Key employees » C’est aussi une étape cruciale. On n’a pas droit à l’erreur pour le General manager, le Chef Exécutif et leurs adjoints.
Puis la phase d’adrénaline pure qui est la fin des travaux, le début du “training” et l’ouverture. On a qu’une seule chance de faire une ouverture réussie pour lancer son restaurant. C’est terrible, mais c’est ainsi. Ce métier a cela de cruel que les clients et le bouche à oreille ne pardonnent jamais. On donne donc tout pendant 8-10 semaines non stop avec toutes les équipes support.
Pour moi, c’est avant tout une exécution parfaite dès le début. On engage tout le monde 4 semaines avant et on fait un nombre de « trainings » incalculable. Staff on staff, puis soft opening, presse, gros clients à qui on donne la primeur de l’établissement et que l’on invite. Tout cela contribue à construire le succès dès l’ouverture.
Les réseaux sociaux et la presse jouent un rôle clef aussi. Mais la réalité du terrain et de l’exécution fait revenir les clients et crée une pérennité. Nous devons avant tout délivrer. Militairement d’abord sur la cuisine et le service, puis avec tous les paramètres qui nous différencient : design, musique, “lighting”, ambiance, profils de clients.
La pérennité, c’est la constance. Aujourd’hui, les clients sont en quête d’une expérience de A à Z et c’est ce que nous nous attelons à leur donner au quotidien, en nous remettant en question tous les jours. Ce qui fait la réussite sur le long terme c’est que la qualité du service, de la cuisine et de l’expérience globale (sécurité, hôtesse, bartender,…) sont toujours de qualité.
Chacun a un rôle très important à jouer. Lorsque vous devenez une valeur sûre pour un client, vous avez gagné !
Un grand merci à Jean-François Casanova pour son temps et ses réponses précieuses pour l’ouverture d’un établissement en France ou à l’international.
Pour aller plus loin, vous pourrez facilement accéder aux conseils d’entrepreneurs et dirigeants d’établissements sur Sensei pour vous accompagner dans la création de votre hôtel, bar ou restaurant !