D’Evreux aux meilleures cuisines du monde : rencontre avec Mohamed-Sancie Kaba

23 septembre 2022

SENSEI-MOHAMED-SANCIE-KABA

Un natif de la ville d’Évreux, qui a travaillé dans les meilleures cuisines du monde, il doit en avoir à raconter des choses, non ?

Nous avons le plaisir de discuter avec Mohamed-Sancie Kaba, jeune talent de 27 ans passé par les plus grandes cuisines, et aujourd’hui chef à domicile et second de cuisine au restaurant étoilé La Chapelle.

Hello Mohamed-Sancie ! Peux-tu nous raconter en détails ton parcours ? 

En ce qui concerne mon parcours scolaire, j’ai eu mon CAP cuisine de manière assez classique, avant de passer un BP Arts de la cuisine en 2013. En 2020, après plusieurs d’années d’expérience professionnelle, je décide tout de même de parfaire mes études en passant un BTS en Management de l’Hôtellerie-Restauration. 

J’ai également un beau bagage professionnel : à partir de 2012 et jusqu’en 2015, j’ai été commis et apprenti dans mon BP Arts de la cuisine. En 2015, je suis allé en Ecosse, à Edimbourg, dans le plus grand restaurant de poissons du pays : le Ondine Restaurant. J’ai été désigné Chef de Partie tournant. Ensuite, j’ai été désigné Demi Chef de Partie au Ritz Londres, puis Chef de Partie au The Lanesborough, à La Table de Metz, à l’Edouard Loubet de Bonnieux. Dès lors, je suis devenu commis au restaurant d’Anne-Sophie Picq à Valence. Finalement, aujourd’hui, je suis redevenu Chef de Partie au Georges Blanc. 

J’exerce également en freelance une activité de consulting, et je suis ravi d’intégrer les rangs de Sensei afin de transmettre tout mon savoir ! 

Tu as beaucoup voyagé grâce à tes différentes expériences professionnelles : que t’ont apporté ces voyages ? 

Les voyages sont ce qui m’a le plus apporté, autant dans ma cuisine que dans ma personnalité. Dès l’âge de mes 17 ans, j’étais lassé de la vie parisienne, j’avais envie d’apprendre culinairement, mais aussi humainement. J’ai donc décidé de partir en Ecosse. L’Ondine restaurant était et reste aujourd’hui le meilleur restaurant de poissons et de fruits de mer du pays, ce qui m’a permis d’acquérir une réelle technique sur tous ces produits de la mer. J’ai très vite progressé professionnellement parlant, puisqu’en Ecosse, ils vont souvent tourner les postes. J’ai donc exercé dans tous les postes, en cuisson, garde-manger, pâtisserie, etc…

J’ai également grâce à ce voyage appris à découvrir une culture : les Ecossais sont un peuple très fier, mais ils m’ont parfaitement accueilli. En termes d’intégration, mon année là-bas m’a permis de prendre au moins deux ans de maturité. Humainement, ce voyage m’a fait progresser, si bien que je suis devenu bilingue, ce qui m’a aidé dans mon intégration en Angleterre quelques temps plus tard. 

Qu’aimes-tu cuisiner, et quelles sont tes inspirations culinaires ? 

Je cuisine uniquement des produits de saison, et des produits locaux. Quand je travaille dans un restaurant, je veille à ce que ce restaurant soit attaché à ces valeurs ! 

Je ne suis pas spécialisé dans un type d’ingrédient en particulier, car j’estime que si je me spécialise dans la viande ou dans le poisson, j’aurai ensuite des lacunes sur les légumes par exemple. J’ai envie d’être un chef complet, qui maîtrise tout, et sans lacune. C’est pour cela que tant que je suis jeune, je privilégie l’apprentissage et la diversité dans ma cuisine.  

Comme tout chef, je m’inspire de mes expériences passées. J’ai été formé dans de très bons restaurants, et ma cuisine a donc fortement été influencée par ces expériences passées. De plus, la cuisine est pour moi intrinsèquement liée à l’art, et je visite donc régulièrement des musées. J’ai refait le musée du Louvre, et j’ai visité les grands musées des principales villes européennes, comme Barcelone ou Amsterdam, et inconsciemment, cet art influe énormément ma manière de cuisiner : le subconscient prend énormément de place dans ce milieu. Le feeling prend énormément de place dans ma cuisine, et je fais en sorte de me laisser aller selon mes inspirations. La nature est également une réelle inspiration pour ma cuisine, puisqu’encore une fois, lorsque je me balade dans la nature, mes mouvements sont puisés de la faune et de la flore. 

Même si je m’inspire beaucoup de mes anciens chefs, ou de l’art, j’estime avoir une cuisine unique. D’ailleurs, chaque cuisinier est unique en son genre, puisque la cuisine n’est qu’une expression de soi. C’est ce qui fait que les concepts sont si nombreux dans le milieu. 

Tu es jeune mais déjà talentueux et expérimenté : comment vois-tu la cuisine actuelle et celle de demain ?  

Il est compliqué d’avoir une vision objective de la cuisine. On nous pose souvent cette question en tant que chefs, mais en réalité, chacun a sa vision de la cuisine : définir la cuisine est très complexe. Ce que je peux dire, c’est que la cuisine est en permanente évolution. Quand la société ou les mentalités évoluent, la cuisine suit. Pour moi, il est important que la cuisine se modernise, mais tout en gardant son empreinte initiale, afin de maintenir son socle de base. Les restaurants de Paul Bocuse par exemple voient leur cuisine se moderniser, mais tout en conservant leurs traditions. Il est important de toujours garder en tête son idée initiale. 

Tu disputeras prochainement la demi-finale du MOF cuisine. Peux-tu nous dire ce que t’a apporté ce concours et comment tu abordes la finale ? 

Ce concours m’a énormément apporté, c’est quelque chose d’unique. Il s’agit du concours d’une vie, d’un challenge. Il demande énormément de travail théorique, pratique, sur soi. On a à travers ce concours un devoir de responsabilité et de justesse. Le concours m’a donné beaucoup d’expérience puisque cela fait deux ans que je le prépare, et je suis sûr qu’il m’apportera énormément, en termes de rigueur, et de professionnalisme. 

Quel rôle accordes-tu à la transmission de savoir en cuisine ? 

La transmission est pour moi indispensable en cuisine, elle fait partie des valeurs que l’on m’a transmises, un bon manager ne peut pas manager s’il n’a pas reçu le savoir nécessaire, et un bon collaborateur ne peut pas collaborer s’il ne reçoit pas le savoir de son manager. Chez tous les plus grands chefs chez lesquels j’ai fait mes classes, les mots d’ordre sont rigueur, abnégation, volonté. Sans ces valeurs transmises, je n’en serais pas là aujourd’hui. La cuisine est un métier d’ouvrier, manuel, qui nécessite une répétition permanente des gestes ! Il n’y a pas de secret en cuisine, si tu apprends bien, tu peux t’imprégner des bons mouvements et exceller dans ton domaine. 

On m’a toujours appris qu’il était essentiel de transmettre son savoir pour progresser. Honnêtement, lorsque j’ai conseillé mon premier apprenti, cela a été une réelle fierté pour moi ! La satisfaction personnelle à l’idée de transmettre est énorme ! 


Un grand merci à Mohamed-Sancie Kaba pour ces mots très justes et ces précieux conseils. Et on lui souhaite tous nos meilleurs vœux de réussite pour le concours du MOF ! 💪