La discussion autour de l’utilisation élargie des titres-restaurant pour l’achat de produits de grande distribution bouleverse actuellement le secteur de la restauration. Dans un contexte marqué par l’inflation, le gouvernement cherche à soutenir le pouvoir d’achat, ce qui impacte significativement les équilibres de l’industrie.
Depuis août 2022, les titres-restaurant peuvent être utilisés pour acheter des produits comme des pâtes, des conserves et des légumes dans les supermarchés. Cette dérogation, qui permet l’achat de produits non directement consommables, éloigne le titre-restaurant de sa vocation initiale: subventionner les repas pris dans les restaurants. Selon Franck Delvaux, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (Umih) Paris-Île-de-France, seulement 43,3% des titres-restaurant sont désormais utilisés dans la restauration hors domicile. Les salariés préfèrent utiliser leurs titres dans les supermarchés (36%) plutôt que dans les restaurants (34%).
Face à l’inquiétude des restaurateurs, le gouvernement envisage de revenir sur cette dérogation. Pourtant, la loi du 26 décembre 2023 a repoussé cette décision d’un an. Le projet de loi prévu pour l’automne devrait éclaircir la situation, mais d’ici là, les restaurateurs restent en suspens.
Le Gouvernement Face à un Dilemme Populaire
La ministre Olivia Grégoire défend la pérennisation de cette mesure, très populaire auprès des Français. Selon une étude de la Commission Nationale des Titres-Restaurant, 96% des utilisateurs souhaitent pouvoir continuer à régler leurs courses avec des titres-restaurant. Un soutien massif qui complique la tâche du gouvernement.
Le marché des titres-restaurant, pesant 9,5 milliards d’euros et comptant cinq millions d’utilisateurs, reste un écosystème complexe. Il implique les émetteurs, les entreprises, les salariés et les commerçants, avec l’État jouant un rôle clé en exonérant les titres de certaines cotisations sociales et fiscales.
La Position des Émetteurs et des Acteurs du Secteur
Les émetteurs de titres, comme Edenred, soutiennent les restaurateurs, rappelant que le titre-restaurant doit avant tout encourager une alimentation équilibrée pendant la pause déjeuner des salariés. Ilan Ouanounou, directeur général d’Edenred, souligne l’importance de maintenir les titres-restaurant dans le domaine de la restauration.
À l’inverse, des acteurs plus récents comme Swile, voient dans l’achat de produits frais en supermarché une opportunité pour une alimentation saine et variée. Loïc Soubeyrand, fondateur de Swile, défend cette position en soulignant que les fruits et légumes achetés en supermarché contribuent également à une alimentation équilibrée.
Les Nouveaux Défis des Restaurateurs
Pour les restaurateurs, la diminution de l’utilisation des titres-restaurant dans leurs établissements est une préoccupation majeure. Selon une étude du cabinet Roland Berger, les titres-restaurant influencent fortement le choix des consommateurs et leur fréquence de visite dans les restaurants. Les détenteurs de titres dépensent en moyenne plus par repas que ceux qui n’en ont pas.
L’UMIH insiste sur le rôle social des titres-restaurant, qui doivent rester une aide au déjeuner des salariés, en leur offrant une alternative à la restauration collective d’entreprise. Pour répondre aux attentes des restaurateurs, l’idée d’un « double plafond » est à l’étude. Cela permettrait de limiter le montant utilisable en grande distribution et de réserver une partie des titres pour les restaurateurs.
La Dématérialisation: Une Évolution Inévitable
Le projet de loi gouvernemental prévoit également la dématérialisation complète des titres-restaurant d’ici à 2026. Le passage au numérique éliminerait les pertes liées aux carnets papiers et simplifierait l’utilisation des titres pour tous les acteurs impliqués. Cette transformation, largement acceptée, est perçue comme bénéfique pour réduire les contraintes administratives et faciliter les transactions.
En conclusion, le futur des titres-restaurant reste incertain, avec des tensions entre le besoin de soutenir le pouvoir d’achat et celui de préserver la fréquentation des restaurants. Le projet de loi attendu en septembre apportera des réponses cruciales pour l’avenir du secteur.